Verney-Carron : la fin silencieuse du dernier armurier français

Il y a des morts qui font du bruit, et d'autres qui s’éteignent dans un silence épais. À Saint-Étienne, le dernier grand armurier français, Verney-Carron, est en train de disparaître.

Et presque personne ne dit rien.

Fondée en 1820, Verney-Carron est un monument vivant de l’artisanat français. Deux siècles d’histoire, de bois sculptés à la main, de canons ajustés au millimètre, de gestes transmis d’atelier en atelier. Deux siècles de chasse, de guerre, de paix, de traditions, d’innovation. Deux siècles de France.

Et pourtant, cette maison mythique, installée au cœur d’une ville autrefois appelée « la capitale de l’arme », est en redressement judiciaire. Un fleuron national est en train de s’éteindre. Et personne ne s’en émeut !

Pas un mot à l’Assemblée. Pas une alerte du ministère de l’Industrie. Pas un frisson au sommet de l’État. Pas même un débat.

Verney-Carron, ce n’est pas qu’une entreprise. C’est un symbole de la France rurale, de la France qui façonne, de la France qui sait faire. Celle que l’on oublie trop souvent. Celle qu’on laisse mourir avec résignation. Celle qu’on enterre avec des mots creux : “transition”, “modernité”, “réduction d’impact”.

Mais que restera-t-il quand tous les ateliers auront fermé ? Quand il ne restera plus que des souvenirs, des photos sépia, et des communiqués de liquidation ?À quoi bon vanter la “relance industrielle” si l’on laisse tomber les derniers gardiens du geste, les derniers fabricants d’excellence ?

Il ne s’agit pas ici de politique, mais de mémoire, de fierté, et de transmission.

Ne pas sauver Verney-Carron, c’est laisser mourir une part de la France.